Cyril Kongo

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Cyril Kongo – La rencontre

Des murs du 93, en passant par Sao Paolo, Barcelona, New-York etc… nous avons pu échanger avec Cyril Kongo, cet artiste peintre que Chanel, Hermès, Karl Lagarfeld et bien d’autres s’arrachent. Il nous fait voyager à travers le monde avec son art… Nous avons pu échanger avec lui lors de cette entrevue qu’il nous a accordé en direct de Saint Martin.

Peux-tu te présenter à celles et ceux qui ne te connaissent pas ?

Alors je m’appelle Cyril Kongo, artiste peintre issu de mouvement graffiti des années 80 que j’ai fait évoluer à ma sauce aujourd’hui. J’ai connu les prémisses du hip-hop en France et l’évolution de mon art sous toutes ces formes.

J’ai cru comprendre que tu es originaire du 93 ?

Oui j’ai longtemps habité entre Montreuil et Bagnolet, un pur produit du 93, on a un bon terroir dans le 93.

Peux-tu me parler de ton parcours ?

J’ai commencé dans les années 80 à faire du graffiti, du tag etc. Ensuite avec mes potes du MAC CREW, on a commencé à se concentrer un peu plus sur les murs grand format. On aimait raconter des histoires à travers notre art et rencontrer d’autres artistes et pouvoir faire des créations en collaboration. On s’est très vite rendu compte que le graffiti était un langage universel, ce qui nous a permis, de voyager un peu partout dans le monde en commençant par l’Europe et ensuite les Etats Unis, l’Asie, l’Amérique du sud etc. On a eu le privilège de faire partie d’un mouvement qui était global, qu’on retrouve dans toutes les capitales du monde. C’était bien avant internet! Ça nous a permis, de faire de très belles créations avec mes potes et de représenter Paname et surtout notre banlieue. C’était une très belle période, avant qu’il y’ait tous les réseaux sociaux. Disons que c’était une autre époque de création.

Ensuite, il y’a eu l’apparition des premiers rappeurs français du mainstream, des premières marques de streetwear. On a tout créer par nous même, on a été nos propres producteurs, nos propres éditeurs, on s’est fait nos propres fringues, on a créer notre danse, on a ensuite créer des ponts avec les institutions, bien qu’ils ne voulaient pas de nous à l’époque faut le rappeler! Mais on a su s’imposer et mettre notre grain de sel, un peu partout dans la société comme dans d’autres milieux, comme la mode, le mainstream, comme dans l’industrie etc. C’est ce qui était intéressant pour nous, j’ai eu l’honneur de connaître ça et d’en être un acteur et c’est ce qui continue à me faire vibrer.

En parlant de pont et de luxe comment expliques-tu que tout cet univers du street art de manière générale s’est fait une place dans le monde du luxe ?

En vérité, que ce soit le graffiti ou le hip hop, ce sont des univers qui ont toujours créé des ponts. A l’époque où je suis allé peindre à Sao Paolo par exemple, je ne parlais pas portugais, ça ne m’a pas empêcher de peindre d’énormes murs là-bas, de me connecter avec des brésiliens et de peindre avec eux. Le graff est un langage universel! C’était ça pour moi une collaboration, ils avaient un savoir-faire, on partageait la même passion et c est ce qui a créé du lien entre nous qui nous permettaient de faire de belles choses. Personnellement, j’ai toujours considéré le graffiti comme du luxe, dans le sens où c’est fait à la main, on prend notre temps pour le faire, c’est une expression humaine. Il y a pas de machine derrière nous. Le vrai luxe pour moi c’est le temps, c’est laisser la trace de la main ,réaliser des choses précieuses et uniques, avec des savoir-faire ancestraux. Donc quand j’ai eu l’opportunité de rencontrer d’autres savoir-faire comme dans le monde de la soie, l’horlogerie ou les métiers du feu. Tout ces univers m’ont forcément touché, j’ai eu l’occasion de rencontrer des gens qui m’ont donner l’opportunité de créer des ponts, entre ces savoir-faire traditionnels, qui sont parfois vu comme quelque chose de vieillot. Mon art était un peu vu comme un art de vandale, et c’est ce paradoxe qui a fait la réussite des projets en quelques sorte. C’était là, la pertinence du truc, comme à l’époque on faisait venir des graffeurs de New York, du fin fond du Bronx. Les français hallucinaient de voir arriver des cain-ri, qui étaient très ghetto et que l’on considérait comme de grands artistes, au même titre que les jazzmans, qui a l époque venaient en France à une période où les français étaient en admiration devant ces artistes américains. Par exemple, quand Miles est arrivé sur Paris et a commencé à jouer de la trompette à Saint Germain des Prés, les gens découvraient tout l’univers du jazz à travers un seul mec, parce qu’au delà de l’expression artistique, c’était aussi social, culturel et historique, c’était bien plus que de l’art…

Au final, en dehors de l’aspect artistique et de la passion, est ce qu’il y’avait un aspect politique qui te poussait à vouloir écrire ton histoire ?

Chaque individu pour moi qui créé des choses, est motivé par une politique. Je ne parle pas de parti politique, je parle de politique d’idées, de vision qui lui est propre, sur la société etc. Le graffiti est et a toujours été politique en vérité, on revendiquait notre existence. Si je peignais dans la rue, c’est parce que je n’avais pas les moyens de peindre en atelier, tout simplement. C’était un mode de vie, pour avoir le matos, on se débrouillait comme on le pouvait lol. Quant aux spot, on se démerdait aussi pour en trouver, on n’a pas peint que des murs, on a aussi fait des camions, des trains, des métros, des cabines téléphoniques, enfin on a peint tout ce qui nous passait sous la main. C’était pas une vision de vandalisme pour ma part, c’était de la création, mais les institutions le voyait comme du vandalisme. Aujourd’hui, c’est tout de même diffèrent, j’ai mon atelier, je peins moins de murs, j’ai envie de faire évoluer mon expression, mon message et ma vision d’une autre manière: c’est un mode de vie, je me lève le matin, je dessine, je peins, c’est comme ça au quotidien depuis que j’ai l’âge de 16ans.

Concernant ton évolution comment tu la vois avec du recul ?

Je mets un point d’honneur à ne pas refaire ce que j’ai déjà fait et j’essaye de surprendre et d’aller dans des univers qui n’ont jamais été visité en tout cas par moi et d’être là où on ne m’attends pas. Je pense que c’est comme ça qu’on continue de nourrir la culture et qu’on l’amène encore plus loin.

C’était quoi le déclic pour toi qui t’a vraiment donné envie de ne faire que ça ?

Il y avait un besoin de reconnaissance avant tout et trouver une identité qui me soit propre, je ne voulais pas qu’on me colle une étiquette, je voulais aussi m’imposer des défis, peindre des murs de plus en plus gros, de pouvoir parler de sujet important sous forme de dessin, peindre a l’étranger, pouvoir rencontrer nos pairs. Et de ce fait, chaque année on arrivait a atteindre nos petits objectif de l’époque, qui étaient à notre portée, mais surtout le plus important était d’être libre, on faisait les choses à notre façon, on était pas maqué. Ce qui nous permettait d’avoir le champs libre pour notre direction artistique.

Quelles sont tes inspirations tes influences ?

Mes inspirations sont souvent les rencontres. J’ai ce besoin de rencontrer des gens passionnés , ça nourrit mon envie de conjuguer mon art avec le leur. La vie, de manière générale, m inspire pas mal. Je suis tributaire de la vie que je vis à l’instant T et qui me donne envie de l’exprimer avec mon vocabulaire graphique. Mon travail d’artiste est de cristalliser l’instant présent.

Comment se déroule ton processus de création ?

Je commence mes journées tôt et les finis tard en général, elles commencent toujours dans la gratitude en remerciant de me réveiller et d’être en bonne santé, ensuite je médite afin de bien me centrer, c’est un processus journalier.

Ensuite je vais aux affaires courantes, avancer sur les oeuvres en cours, préparation de projets, développement des projets en cours , je n’arrête pas de bosser, je reste concentré au maximum sur mes objectifs.

Comment décrirais-tu ton style?

Trop frais! mdrr non blague à part je suis un fervent défenseur de la lettre, d’une certaine écriture. Après je le fais a ma manière, c’est un style que j’ai beaucoup utilisé quand je peignais des murs à l’époque et que j’exprime de différentes manières sur toile. Aujourd’hui, j‘essaye de le faire d’une manière singulière et unique. Je pense avoir ma propre signature, comparativement à un autre artiste, j’aime me dire ça ,peut être pour me rassurer lol mais bon voilà!

Peux tu nous parler du Mac Crew ?

Le Mac Crew c’est ma famille graphique, mes potes, c’est avec eux que j’ai commencé à peindre des grands murs, C’était une très belle période de ma vie, ce sont des gens avec qui je vivais, des amis, des frères,  l’âge d’or de notre art était de 89 à 2002.

Kosmopolite , qu’est ce que ça représente ?

On a monté Kosmopolite avec les Mac. C’était un festival qui avait pour but, de donner de la reconnaissance au graffiti, parce qu’à l’époque, justement avec le Mac Crew, on était invité un peu partout dans le monde, en tant qu’artiste indépendant. On allait à Munich, Barcelone et d’autres villes et quand on rentrait à Paris, on était considérer comme des vandales. On passait du froid au chaud, les médias ne parlait que du graffiti en mal, on parlait carrément de délinquance venue de la banlieue. Pour nous, ce n’était pas du tout ça, je rencontrais de grands artistes , des mecs qui avaient autant de passion que nous dans leur art. Avec ces mecs, on se retrouvait dans les mêmes endroits, où on était accueillis comme des artistes à part entière,  On se retrouvait un peu partout dans le monde, on peignait les même murs, on fréquentait les même endroits, donc ça allait bien plus loin que ça… on avait une vrai légitimité.

J’ai donc fais le constat que, si on voulait faire évoluer les choses et avoir une vraie reconnaissance, il fallait qu’on prenne les choses en main, donc on a décidé de créer ce festival, avec la ville de Bagnolet (93) et ça fonctionnait très bien. On est passé des pages fait divers, aux pages culturelles dans les médias. Pendant ce festival, on a donné envie à des mecs, de devenir des galeristes, des collectionneurs, des artistes, tout ces mecs ont appris aussi avec tout ce qu’on a pu leur insuffler. Ça a inspiré d’autres ville à créer leur propre festival et à des artistes à s’exprimer, le but de Kosmopolite était de montrer que notre culture n’était pas un simple mode d’expression ou du vandalisme. Avoir inspiré d’autres à se réaliser est un plus!

On peut dire que Kosmopolite a contribué à démocratiser l’art du Graff ou l’art de rue ?

J’en suis persuader. On a oeuvré pendant 12 ans dans ce sens. Après cette période, j’ai fais le choix de me concentrer sur mon développement personnel . On a fait notre part, le but c est aussi de transmettre donc c’est ce qu’on a essayé de faire.

La reconnaissance c’est un mot qui reviens beaucoup pour toi, à quel moment c’est vraiment arrivé selon toi ?

Depuis les années 90, nous l’avions déjà en vérité. C’était dans notre microcosme du graffiti , il n’y avait pas internet, mais la reconnaissance était là. Dans notre milieu, on le voyait bien. Je te parle d’une époque où on voyageait beaucoup grâce a notre art. Depuis nos 17,18 ans avec Alex Juan, les potos quoi, en avion, en train, en voitures peu importe, on bougeait beaucoup, on est passé des magazines spécialisé, aux mainstream, aux magazines différents du graff et compagnie. Ensuite vers 2008 j’ai commencé ma carrière solo c’est là où tu exprimes ton propre parcours, ton propre ressenti, tes propres choix. La notion de groupe n’existe plus vraiment c’est antinomique, tu es confronté à toi même.

Quel est l’oeuvre qui te symbolise le mieux selon toi ?

Je dirais un bon tag Kongo sur un mur, tout est parti d’une signature, d’un tag. Le reste finalement, c’est qu’une évolution de tout ça donc je dirais la base.

Comment est-tu passé de la rue à l’atelier ?

Quand on a commencé à faire Kosmopolite, on a eu un deal avec la mairie, pour avoir un atelier et à partir de là, avec mes potes, on a commencé à faire des tableaux. Pendant longtemps, j’ai fais des graffitis sur toile et pour moi ça n’avait pas vraiment de sens. J’ai décidé d’aller apprendre ce qu’était les basiques de la peinture sur toile aux Beaux Arts , j’apprenais la préparation d’une toile, les détails techniques le procéder. Une fois assimilé, j’ai commencé à interpréter mon graffiti à l’envers, le faire d’une manière différente qui m’était propre et c’est resté. Ça a demandé énormément de boulot. L’atelier, j’y suis de 9h à 21 h, je prends 20 min pour bouffer, 30 min pour taper une sieste et le reste du temps, j’suis au charbon. Il faut être super déter! Faut faire des sacrifices, les loisirs ont très peu leur place. Si je peux donner un conseil, c’est de surtout pas laisser de place aux doutes… Il faut savoir s’écouter et se faire confiance tout en étant prêt à sortir de sa zone de confort. Tant que t’es honnête et sincère dans ta démarche, le public le sentira.

Quel est ton regard sur l’art de rue de manière générale ?

Il y a à boire et à manger, il y a de tout. Faut laisser l’espace à tout le monde, chaque artiste a des qualités, amène quelque chose, pour moi c’est pas tellement l’oeuvre qui compte le plus mais plutôt le parcours.

Parle nous de la rencontre avec HERMES ?

La rencontre avec Hermès est partie d’un graff que j’étais en train de faire sur un mur un dimanche après-midi à Hong Kong. J’ai fais la rencontre d’un français, qui était avec son fils et qui m’a demandé, si je voulais bien customisé la casquette de son fils. Je lui ai dis oui pas de soucis, paye moi un verre en face et je te fais ça. On s’est assis et il a commencé à me poser pleins de questions : pourquoi le graffiti ? Pourquoi j’étais à Hong Kong? C’était quoi mon art ? Qui j’étais etc… Au bout d’une heure, moi je lui ai demandé si il était des RG ou flic, il a rigolé, il m’a dit qu’il était Directeur de la filiale Hermès en Asie. Faut savoir que moi à l’époque, j’étais à fond dans le délire hip hop et tout en 2007 si il m’avait dit Adidas ou Nike ça m’aurait plus emballé et fais vibrer à cette époque tu vois. Et puis on est devenu très pote, humainement le courant est vraiment bien passé, puis on s’est revu et un jour il m’a proposé de customiser la vitrine du magasin Hermes, à l’aéroport de Hong Kong. La vitrine est resté 6 mois, ça a beaucoup plu à la maison mère Hermès . Ils m’ont appelé et la j’ai rencontré le directeur artistique de la maison Hermès qui m’ont proposer de faire un carré.

Richard Mille la rencontre ?

Un jour, en rendant visite à ma famille à Toulouse, j’ai un pote qui m’a appeler pour qu’on dîne ensemble. À ce repas, j’ai rencontré pas mal de monde, Je me suis retrouvé en face d’un Monsieur , on a commencé à rigoler, il s’appelait Richard Mille. On s’est prit un verre, et l’histoire a démarré comme ça! Il n’y a pas de coïncidences, les choses qui viennent à toi, faut savoir les accueillir. De là est né le pari de peindre cette fameuse montre au mouvement tourbillon, un mouvement haute complication comme disent les horlogers , j’ai passé 2 ans en Suisse pour réaliser 30 montres cela m’a permis de visiter l’univers de l’horlogerie en profondeur, c’était vraiment une magnifique expérience.

Tout démarre d’une rencontre, c’est toujours comme ça !

Peux-tu nous parler du défilé Chanel à New York?

J’ai été repéré par Karl Lagarfeld, qui m’a proposé de faire une collection avec lui. Sébastien Jondeau, son homme de main est venu me voir un jour où, je présentais un avion des années 30 en hommage a Saint Exupéry le « NORD 1000 » que j’ai entièrement revisiter pour le donner rendez-vous avec le kaiser. Lors du rendez-vous avec Karl nous avons discuter de ce qu’il attendais de moi, je pensais faire du graff, il m a dit qu’il préférerait plutôt que je fasse des toiles, une série de toile en atelier. J’étais un peu sceptique parce que j’avais l’impression de devenir la main de Chanel et je n’étais pas très chaud. Je voulais raconter une histoire avec Karl Lagarfeld et pas Chanel, j’avais rien contre eux mais je ne voyais pas forcément la cohérence à ce moment là… Il m’a dit : «  j’ai bien compris, tu travailleras dans mon atelier directement, Quai Voltaire chez moi».  Du coup, je me suis retrouvé à bosser dans l’atelier de Karl Lagarfeld, pendant des mois. Il a donc pris une dizaine de toiles de cette série pour en faire la collection des métiers d’art « Paris-New-York »ensuite la collection s’est retrouver en défilé au Met muséum sur le thème de l’Egypte antique. Pharell Williams était le pharaon, d’ailleurs, c’était assez ouf !  C’était la dernière collection de Karl vu qu’il est décédé en février et le défilé a eu lieu en décembre. En tout cas, c’était une incroyable rencontre, le temps que j’ai passé avec lui m’a permis d’apprendre pleins de choses, ça m’a boosté de ouf. C’était une collection magnifique, de voir tes tableaux interpréter sur des robes, sac, imprimer Chanel, ça fait bizarre !

On sent la passion dans tes créations c’est l’une de tes forces ?

Tu sais, si j’ai pas de plaisir j’y vais pas, je suis quelqu’un de très sélectif… Je vais pas te mentir, je reçois beaucoup de propositions, de demande de collab ou d’intérêt. 90% du temps je refuse. Mon vrai travail c’est de raconté une histoire, de nourrir un parcours et donc je fais gaffe dans mon parcours à ne pas faire d’erreurs. Faut que je m’amuse et que tout ce que je fais me corresponde. Je suis très pointu la dessus. J’aime être dans des trucs qui me bousculent et qui me sortent de l’ordinaire, des projets originaux.

Un conseil a donné à une personne qui se lance ?

Je lui conseillerais, d’être sincère et honnête et surtout que sa motivation ne soit pas l’oseille.

Merci de nous avoir accordé du temps et merci pour cet échange force à toi pour la suite!

Merci à vous et ne lâchez rien surtout !

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